Heures supplémentaires, pointage et ordre hiérarchique : la jurisprudence durcit le ton
⚖️ Une exigence de preuve de plus en plus stricte
La récente décision du tribunal administratif de Lyon (6 octobre 2025, n° 2309864) est sans ambiguïté :
un agent territorial qui réclame le paiement d’heures supplémentaires doit démontrer qu’elles ont été expressément demandées ou validées par la hiérarchie.
Les feuilles de présence, même signées, ne suffisent pas : elles prouvent une présence dans les locaux, pas un ordre de service.
Le tribunal admet certes que le protocole local du temps de travail, non validé par délibération, était inopposable à l’agent.
Mais il rejette néanmoins la demande faute de preuve d’un service fait ordonné.
Aucune faute n’est retenue contre la collectivité.
Cette position rejoint celle du TA Lyon du 21 juin 2024 (n° 2204289), qui a écarté la requête d’une cadre territoriale réclamant 550 heures non validées, et celle du Conseil d’État (13 novembre 2020, n° 430378) sur les IHTS des sapeurs-pompiers : seules les heures accomplies au-delà des bornes réglementaires et à la demande de l’autorité territoriale ouvrent droit à rémunération.
🕓 Le temps de travail devient un champ de sécurité juridique
La jurisprudence française n’a jamais été aussi claire :
sans ordre hiérarchique, pas d’heures supplémentaires reconnues.
Et désormais, sans moyen de contrôle objectif (badgeage, pointage, validation électronique), la preuve devient presque impossible.
Le Conseil d’État (26 février 2024, n° 453669) est allé plus loin encore en interdisant le report des excédents horaires d’une année sur l’autre, au nom du principe d’égalité et de la sécurité juridique.
Autrement dit, une collectivité ne peut ni “rattraper” un dépassement ni compenser un déficit d’heures en bricolant les plannings : le temps de travail doit être exact, tracé et validé.
Ces décisions ne sont pas anodines : elles redessinent la frontière entre conscience professionnelle et abus de disponibilité.
L’agent zélé qui “reste pour finir” sans consigne formelle risque désormais de travailler gratis.
Et la collectivité, si elle tolère ces pratiques, s’expose à une faute de gestion pour absence de contrôle du temps.
🧭 La position du SNT : protéger par la preuve
Le SNT ne s’en réjouit pas, mais en tire une conclusion pragmatique :
le temps de travail doit être sécurisé par la traçabilité.
Pour les agents :
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Ne jamais accomplir d’heures supplémentaires sans ordre écrit ou accord explicite.
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Conserver les mails, notes, plannings signés ou validations horaires.
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Exiger un outil de pointage consultable — non pour “fliquer”, mais pour protéger.
Pour les représentants SNT :
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Porter la question du suivi horaire en CST et F3SCT : badgeuses, tableaux de service, bilans horaires annuels.
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Vérifier que le règlement du temps de travail prévoit clairement les conditions d’autorisation et de validation des heures supplémentaires.
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Dénoncer les situations où l’administration entretient une culture de disponibilité implicite, contraire à la loi.
💬 Le vrai débat : confiance ou contrôle ?
Certains élus refusent le pointage au nom de la confiance.
Mais sans traçabilité, c’est la confiance qui se perd — car le juge, lui, ne croit que les preuves.
Le pointage, bien conçu, n’est pas un instrument disciplinaire : c’est un outil de transparence réciproque.
Il protège l’agent contre l’oubli et l’employeur contre le contentieux.
🧾 En résumé
Le temps de travail n’est pas une opinion.
C’est un fait qui se prouve.Sans ordre hiérarchique, sans preuve et sans pointage,
l’engagement devient invisible — et le service fait, juridiquement, n’existe pas.
🔍 Références vérifiables
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TA Lyon, 6 octobre 2025, n° 2309864 — ID.CiTé, 24 octobre 2025. TA Lyon, 21 juin 2024, n° 2204289 — Champauzac Avocats, 27 juin 2024. CE, 13 novembre 2020, n° 430378 — Ariane / Conseil d’État. CE, 26 février 2024, n° 453669 — WEKA / Arego Avocats, 2024. Fiche Service-public.fr, « Indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) », mise à jour 2025. CDG67, Fiche IHTS : conditions et moyens de contrôle, 2023.
